RSA, ISF, Les impôts en question…

Publié le par stef

Il est rare que je place des article sur le sujet des impôts dans ce blog, mais celui-ci m’a paru particulièrement pertinent et mérite d’être lus par le plus grand nombre. A vous de juger.

Le webmaster

Titre original "RSA, ISF : élevons le débat..."

Source "La Tribune "

lun 22 sep, 9h47 

Par Jean-Claude Seys, président de MMA et PDG de Covéa.

 

Le recours à une nouvelle taxe pour financer le revenu de solidarité active (RSA) a déclenché de violentes réactions, focalisées le plus souvent sur cette mesure, mais élargies parfois à la fiscalité en général. Ce qui frappe cependant le plus, tant dans la décision elle-même que dans les réactions qu'elle a déclenchées, c'est leur caractère ponctuel.


Nous vivons, c'est une banalité qui n'échappe plus à personne, dans un monde de plus en plus ­complexe, en raison des développements technologiques, de la globalisation des économies, de la vitesse du changement. C'est vrai aussi politiquement : aux sociétés relativement homogènes du XIXe siècle ont succédé des sociétés éclatées en une multitude de groupes d'intérêt et de communautés tandis que, dans le même temps, à un gouvernement central fort a succédé une multitude de pouvoirs supranationaux, nationaux et locaux, élus ou d'essence technocratique, comme les autorités dites indépendantes.


Face à cette double complexité qui rend tout gouvernement à peu près impossible dans les faits, les médias contribuent au développement d'une culture de la simplification et de l'instantanéité qui réduit la dernière marge de manoeuvre pour résoudre les problèmes : le temps.


C'est dans ce contexte qu'a été prise la décision relative au financement du RSA et qu'ont été articulées les critiques à son encontre. Sauf à considérer comme systématiquement justifiées les critiques de ceux qui sont amenés à supporter une nouvelle charge fiscale, quels que soient son montant et son objet, on ne peut que penser qu'il s'agit d'une mauvaise approche de la fiscalité qui ne devrait être que globale et répondre à trois questions seulement :


1. Dans la société développée qui est la nôtre où les besoins collectifs croissent plus rapidement que les besoins individuels, quelle limite générale doit-on fixer aux prélèvements obligatoires pour que ceux-ci ne détruisent pas la substance sur laquelle ils sont assis, selon l'axiome bien connu que "trop d'impôt tue l'impôt", parce que les capitaux et les talents fuient sous des cieux fiscalement plus cléments ou préfèrent l'oisiveté à l'activité?


2. La deuxième question est "qui doit payer?": à taux de prélèvements donnés, chacun préfère que l'
impôt soit supporté par le voisin. Des considérations idéologiques influencent aussi cette distribution, les unes faisant de la fiscalité un levier de la justice sociale, d'autres trouvant des arguments économiques pour justifier le report du fardeau sur d'autres. Aucun argument rationnel ne peut réduire une opposition de caractère idéologique ou la défense d'un intérêt particulier, mais il serait utile de rappeler le principe de base selon lequel la fiscalité est un vecteur de recherche du bien collectif sur la durée. Ainsi, la répartition du fardeau fiscal a des impacts très différents, selon les couches sociales qui le supportent, en termes de consommation et d'épargne-investissement.


Au-delà de toute considération idéologique, et à taux de prélèvement donné, frapper davantage les couches sociales plus modestes, c'est réduire la
consommation au détriment de l'investissement et inversement. Mais, au-delà d'un heureux équilibre qu'il convient de rechercher, taxer la consommation au profit de l'épargne, c'est inviter celle-ci à s'investir à l'étranger faute d'opportunités d'investissement national suffisantes.


A l'inverse, taxer excessivement les plus fortunés, c'est encourager une
consommation qui ne pourra être satisfaite que par l'importation, faute d'investissements productifs suffisants. Dans les deux cas, on amorce une évolution économique négative. Ainsi, on voit que la répartition du fardeau fiscal doit répondre à des préoccupations objectives.


3. La troisième question que pose la fiscalité, ce sont les modalités. A taux de prélèvements et
distribution sociale identiques, le comportement des citoyens diffère selon les modalités. Celles-ci doivent donc contribuer à inciter à des comportements vertueux du point de vue de l'intérêt général. Ainsi on sait que l'impôt existant au XIXe siècle sur les portes et fenêtres a eu un impact négatif sur l'architecture des maisons et peut-être sur la santé des habitants, condamnés à vivre dans des locaux isolés de la lumière du jour ou du soleil: un impôt sur la consommation tend à promouvoir des circuits de consommation officieux et l'autoconsommation. En matière de santé, les recettes perçues sur les consommations à risque ont un impact positif sur les comportements, une assiette fondée sur les revenus encourage la gabegie au niveau des dépenses, etc.


Les
impôts sur le patrimoine devraient être revisités en fonction de ces critères : créé pour accroître les ressources de l'Etat et censé représenter un pas vers la justice sociale, l'ISF est en fait assis sur certains patrimoines et payé en règle générale sur le revenu. A taux de prélèvement global inchangé et pour une répartition donnée entre les différentes couches sociales, ­constitue-t-il la meilleure modalité pour promouvoir le bien-être collectif? Puisqu'il est en fait payé sur le revenu, pourquoi le titulaire d'un revenu de 500 et d'un patrimoine de 1.000 doit-il payer davantage d'impôts que le titulaire d'un même revenu n'ayant que 500 de patrimoine ? Parce que l'intérêt collectif est de susciter un emploi intelligent et performant du capital.


Si tous les citoyens géraient leur patrimoine avec négligence, comme autrefois les propriétaires des latifundiums, le pays serait dans un triste état. Il faut donc inciter non seulement au travail des hommes, mais aussi à l'efficacité dans l'
emploi du capital. L'impôt sur la fortune se justifie de ce seul point de vue à niveau de prélèvements obligatoires donné, mais il conviendrait d'aller plus loin en supposant que tout capital a une rentabilité virtuelle d'au moins 3%, par exemple, et imposer soit le revenu réel, soit ce revenu virtuel s'il est supérieur, étant entendu que, en cas de plus-value, celle-ci ne serait considérée comme réelle qu'au-delà de la différence entre la rentabilité virtuelle taxée et la rentabilité réelle, revenus et plus-value.


L'approche consistant à dire que "cet
impôt n'est pas bon parce qu'il me frappe, d'autres n'ont qu'à payer" ou bien "il faut supprimer les dépenses budgétaires qui ne m'intéressent pas" est simpliste : c'est en cherchant l'intérêt général dans la limite globale des prélèvements obligatoires, dans leur répartition et dans leurs modalités, qu'on peut à la fois faire prospérer la richesse collective et rendre plus supportable l'effort de chacun.

 

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